Vue
d'ensemble
Au cours des douze prochains mois, quelque 3
500 enfants de moins de 15 ans mourront de dommages
corporels et de manque de soins dans les nations
les plus riches du monde. En Allemagne et au
Royaume-Uni, deux enfants meurent chaque semaine,
trois en France. Tous les ans, plus d’un
million d’enfants sont victimes de la
traite à l’échelon international.
Plus de 300 millions d’enfants dans le
monde travaillent, certains d’entre eux
dans des conditions dangereuses ou bien sous
la contrainte. Quotidiennement, les enfants
des rues luttent pour leur survie en Europe
et en Asie centrale, exploités par des
criminels, esquivant la police. Un enfant scolarisé
sur dix est en butte à la violence à
l’école, et certaines agressions
sont si traumatisantes que le suicide apparaît
comme le seul moyen d’y échapper.
Ces chiffres publiés
par l’UNICEF, l’Organisation mondiale
de la Santé (OMS), l’Organisation
internationale du Travail et les Nations Unies
montrent que les enfants de notre région
sont aussi exposés à la violence
que dans n’importe quelle autre région
du monde. Nous ne pouvons prétendre être
plus développés ou plus civilisés
car les chiffres démontrent le contraire.
Derrière chaque cas qui fait la une des
journaux et émeut la population, il y
a des milliers d’enfants dont l’existence
se résume à des statistiques.
La violence à l’égard des
enfants est cachée et corrosive. Elle
détruit des vies et des potentialités
et engendre des sociétés qui acceptent
l’inacceptable, à savoir que des
enfants soient l’objet de sarcasmes, ne
mangent pas à leur faim, soient battus
à coups de pied ou à coups de
poing, soient torturés.
La violence revêt des
formes extrêmement différentes
et peut se déchaîner partout où
les enfants vivent – au sein de leur famille,
dans la rue, à l’école,
à l’assistance publique ou dans
une famille d’accueil. Toute personne
qui entre en contact direct avec les enfants,
c’est-à-dire les parents, les dispensateurs
de soins, les proches, les membres de la communauté,
un autre enfant, les enseignants, les policiers,
sont des auteurs potentiels de violence. Toutefois,
quelle que soit la nature des violences et le
lieu où elles sont perpétrées,
leurs causes profondes sont souvent les mêmes,
à savoir :
La discrimination – Qu’elle
soit fondée sur le sexe, l’origine
ethnique, la religion, le handicap, la maladie
ou l’orientation sexuelle, la discrimination
légitime les comportements violents.
Dans les services sociaux, éducatifs
ou sanitaires, elle peut entraîner l’exclusion
sociale de groupes ethniques tels que les Roms,
aggravant la vulnérabilité des
enfants vis-à-vis de la violence.
La tolérance sociale
– Les pays d’Europe et d’Asie
centrale n’ont pas, en matière
de violence, le même seuil de tolérance.
Par exemple, presque tous les pays tolèrent
les châtiments corporels comme moyen d’imposer
une discipline aux enfants. Ces attitudes traduisent
la façon dont les individus réagissent,
s’agissant à la fois de leur propre
comportement et de la faible proportion de cas
de violence signalés.
La pauvreté et la pression
sociale – Les études sur la mortalité
des enfants maltraités au sein de leur
famille dans les nations riches montrent que,
parallèlement à la surconsommation
de drogue et d’alcool, la pauvreté
et le stress semblent être étroitement
liés à la maltraitance des enfants
et au manque de soins*. Au pire, la pauvreté
s’est avérée être
un facteur essentiel dans plusieurs conflits
mondiaux qui ont dressé des communautés
l’une contre l’autre.
Toutefois, la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l’enfant
garantit l’intégrité physique,
la sécurité et la dignité
des enfants et les Etats ont élaboré
des lois pour mettre un terme à la violence…
n’est-ce pas ?
Il y a, pourtant, quelque part
un chaînon manquant entre la théorie
et la pratique. Il est temps de le découvrir
et d’agir.
Le Secrétaire général
des Nations Unies, Kofi Annan, a lancé
un projet pour mettre fin à la violence.
Comme il faut, dans un premier temps, se faire
une idée précise de ce qui se
passe, il a chargé le professeur Paulo
Sérgio Pinheiro de diriger une étude
mondiale sur la violence à l’égard
des enfants. L’étude décrira
la situation d’aujourd’hui dans
quatre environnements différents, à
savoir l’école, la famille, les
institutions et la collectivité. Des
informations sur chacun de ces cadres de vie
figurent dans le présent dossier qui
indique quelles données nous possédons
actuellement, quelles mesures ont été
prises pour s’attaquer aux problèmes
et ce qu’il faut faire à l’avenir.
Certaines questions comme le harcèlement
et la maltraitance sont déjà au
centre des préoccupations de nombreux
gouvernements ; d’autres, telles que les
pratiques traditionnelles préjudiciables
et la violence dans les institutions ainsi que
la formation des jeunes, sont prises en compte
depuis moins longtemps. Cependant, toutes ces
questions ont un point commun : nous manquons
de données fiables à leur sujet.
Il est difficile d’obtenir des informations
sur la violence mais, sans informations, il
est difficile de trouver des solutions appropriées
pour garantir l’efficacité réelle
de notre action.
Neuf consultations régionales
alimenteront l’étude, dont la Consultation
Europe/Asie centrale à Ljubljana, Slovénie
(5-7 juillet 2005). Cette Consultation rassemblera
des experts, des universitaires, des praticiens
et des enfants qui examineront ce qui ne va
pas et essaieront de trouver un moyen de remédier
à la situation. Leur mission est d’appeler
à agir, à rompre le silence, à
mobiliser et motiver l’opinion et à
mettre en place le plan d’action politique
qui changera le monde pour les enfants d’aujourd’hui
et de demain – un monde où la violence
à l’égard des enfants ne
sera plus tolérée.
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