LA
VIOLENCE À L’ÉCOLE
En Europe, la plupart des enfants
ont la chance de pouvoir aller à l’école.
Ils peuvent ainsi apprendre, jouer, se découvrir
et découvrir le monde qui les entoure,
et construire leur avenir.
Aujourd’hui, les élèves
ne risquent plus de subir la cruauté
de certains enseignants, car presque toutes
les régions d’Europe et d’Asie
centrale interdisent les châtiments corporels
à l’école. Mais la violence
se tapit dans l’ombre, le plus souvent
sous la forme de brimades. Les enfants qui sont
légèrement différents –
plus intelligents, plus gros, plus petits, d’une
autre couleur, ceux qui ont un autre accent
– sont parfois la cible de railleries
ou d’agressions de la part de leurs camarades
et, parfois même, de leurs professeurs.
Mais il arrive aussi que les enseignants soient
eux-mêmes victimes.
Les cas extrêmes –
comme le meurtre d’élèves
à l’arme à feu par d’autres
élèves, ou le suicide d’enfants
poussés à bout – sont la
preuve que la violence peut avoir des conséquences
tragiques si l’on n’intervient pas
à temps. Une école sûre
est une école sans violence. Il appartient
aux gouvernements, aux enseignants, aux élèves,
aux parents et à la société
dans son ensemble d’œuvrer à
la réalisation de cet objectif.
Les données du problème
Un observatoire européen
de la violence scolaire a été
créé pour recueillir des informations
sur ce phénomène. Il a son siège
à l’Université de Bordeaux,
en France, et couvre l’Allemagne, la Belgique,
l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni
et la Suisse.
Il n’est jamais aisé
de recueillir des données et des chiffres
sur la violence. Beaucoup d’enfants ont
peur de s’exprimer et les statistiques
peuvent être influencées par les
questions que posent les chercheurs, par la
taille ou la composition des groupes qu’ils
choisissent d’interroger. Les exemples
suivants donnent une vue d’ensemble de
la situation dans différents pays :
- Selon une étude menée
en 2000 en Géorgie sur la maltraitance
et les violences physiques infligées
aux enfants, sur 4 382 enfants âgés
de 6 à 7 ans, 31,8 % auraient reçu
une punition corporelle à l’école,
dans 96 % des cas de la part des enseignants.
- Selon une enquête menée
par l’UNICEF en 2002, en Arménie,
auprès de parents et d’enfants
de 7 à 18 ans, il n’est pas rare
que les enfants soient frappés et giflés,
tant à l’école qu’à
la maison.
- D’après un rapport
officiel du gouvernement russe, 16 % des élèves
subissent des violences physiques de la part
des enseignants et 22 % des violences morales.
- Selon des études menées
par l’Université de Bordeaux, sur
les 35 000 élèves interrogés
en France, 10 % ont subi des brimades. Il ressort
des études menées en Slovénie
que ce serait le cas pour 45 % des élèves
dans ce pays. Au Royaume-Uni, selon l’organisme
d’aide aux enfants, ChildLine, le nombre
d’appels à l’aide d’enfants
victimes de brimades a augmenté de 42
% en 2004 – l’augmentation la plus
importante que l’organisme ait connue
depuis sa création, il y a 18 ans. Environ
500 enfants téléphonent chaque
année en raison de pulsions suicidaires.
- Les filles sont plus souvent
victimes de brimades que les garçons,
et 85 % des brimades sont le fait de garçons.
Très peu d’études ont porté
sur les filles auteurs de brimades. On estime
que 80 % des actes violents sont commis par
les 12-16 ans.
Quelques initiatives
Selon la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant,
tout enfant doit bénéficier d’un
environnement scolaire sûr.
D’après les données
recueillies par le groupe militant Initiative
mondiale, les châtiments corporels sont,
en principe, interdits partout en Europe et
en Asie centrale, sauf dans l’île
anglo-normande de Jersey, au Kirghizistan, au
Tadjikistan et au Turkménistan. Mais
on ignore si, dans ces pays, ces pratiques restent
dans les limites de la loi.
De nombreux pays ont lancé des campagnes
de lutte contre les brimades. Des personnalités
comme David Beckham et la princesse héritière
Victoria de Suède apportent leur soutien
aux enfants brimés.
Le Conseil de l’Europe
est à l’origine d’une Charte
européenne pour une école démocratique
sans violence. Elaborée avec le concours
d’enfants de 40 écoles de 19 pays
européens, elle a été adoptée
en 2004 par plus de 17 000 élèves
dans toute l’Europe. Cette charte fixe
les méthodes que doivent adopter les
écoles pour faire face à la violence
et aux brimades, en associant de manière
positive les enseignants, les élèves,
le personnel enseignant et la communauté
locale.
Les programmes qui fonctionnent
sont ceux qui associent toute la communauté
et favorisent l’écoute et le dialogue
en milieu scolaire – notamment lorsque
ces programmes sont lancés avant que
la violence ne s’installe. Certains pays,
comme la Suède, envisagent de promulguer
de nouvelles lois pour rendre les autorités
scolaires juridiquement responsables des brimades
et de la violence, et pour faciliter le dépôt
de plaintes par les élèves.
Nos propositions
Il importe :
- que les Etats prennent des
mesures efficaces pour faire de l’école
un lieu sûr et agréable ;
- que des systèmes de
préalerte soient mis en place pour repérer
les difficultés avant qu’elles
ne se transforment en réelle violence.
La prévention est la clé d’une
école sans violence ;
- que les écoles mettent
en place une stratégie de lutte contre
la violence, en faisant participer les enseignants,
les élèves, les membres du conseil
scolaire et la communauté locale. La
participation des enfants à chaque étape
du processus est un facteur essentiel ;
- que les enseignants et les
élèves soient formés au
problème de la violence et que ce problème
figure dans les programmes scolaires ;
- de promouvoir le recours
à des modes de résolution des
conflits, moins interventionnistes, comme la
médiation où les intéressés
puissent décider ensemble de la conduite
à adopter ;
- de bâtir une école
qui repose sur des fondements démocratiques
– le dialogue élèves/enseignants
n’étant pas l’exception,
mais la règle.
Documents de référence
Chinkov V., « Violence
parmi les enfants et les jeunes en Fédération
de Russie » dans Violence à l’école,
Un défi pour la communauté locale,
Conférence 2-4 décembre 2002,
Conseil de l’Europe, Strasbourg, dans
le projet intégré « Réponses
à la violence quotidienne dans une société
démocratique », Les Editions du
Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003,
pp. 65-70.
Mikus Kos A., « Violence
des pairs et brimades en Europe du Sud-Est »,
dans Violence à l’école,
Un défi pour la communauté locale,
Conférence 2-4 décembre 2002,
Conseil de l’Europe, Strasbourg, dans
le projet intégré « Réponses
à la violence quotidienne dans une société
démocratique », Les Editions du
Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003,
pp. 71-77.
Debarbieux E., Etudes sur la
violence en milieu scolaire, 1996, 1999, 2001.
Recherches menées par
le Conseil de l’Europe dans le cadre du
projet « Réponses à la violence
quotidienne dans une société démocratique
».
Statistiques annuelles de Childline,
permanence téléphonique du Royaume-Uni
destinée aux enfants et aux jeunes.
http://www.endcorporalpunishment.org/
Étude sur la violence
infligée aux enfants en Arménie,
UNICEF, 2003.
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