LA
VIOLENCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS RÉSIDENTIELS
Personne ne sait exactement
combien d’enfants sont placés en
institution en Europe et en Asie centrale. Selon
les estimations les plus conservatrices, ils
seraient près d’un million, mais
les différentes normes et méthodes
de calcul des données rendent très
difficiles les comparaisons entre les pays.
L’image classique de
l’enfant qui a perdu un parent ou les
deux et vit dans un orphelinat est loin d’être
exacte. Il existe toutes sortes de raisons pour
lesquelles des enfants se retrouvent en institution
: leurs parents sont peut-être malades
ou temporairement incapables de s’occuper
d’eux, ou encore demandeurs d’asile
; les enfants peuvent être placés
en détention provisoire ou purger une
peine de prison ; ils peuvent avoir des difficultés
d’apprentissage ou souffrir de handicaps
physiques.
Faute de données suffisantes,
il est difficile d’évaluer le niveau
de violence auquel les enfants sont confrontés
dans les institutions, mais la multiplication
des témoignages d’abus et les rapports
des organisations de protection de l’enfance
sont inquiétants et montrent que les
enfants - doublement vulnérables parce
qu’ils sont isolés dans un environnement
étranger – sont vraiment en danger.
Et selon le document d’information établi
pour la consultation, «du Royaume-Uni
à l’Ouzbékistan, des maltraitances
de toutes sortes ont lieu à une échelle
importante».
Les faits
- Des cas d’abus commis
dans des institutions ont été
rapportés dans toute la région.
Des enquêtes en cours en Irlande et au
Portugal font état d’abus sexuels,
physiques et psychologiques depuis plusieurs
décennies. En Irlande, la Commission
constituée par le Gouvernement pour enquêter
sur les mauvais traitements à enfants
a reçu 3 000 plaintes, dont 60 % présentées
par des personnes de plus de cinquante ans victimes
de mauvais traitements dans leur enfance alors
qu’elles étaient placées
dans des institutions.
- En Belgique, en France, au
Kirghizistan, en République de Moldova
et en République tchèque, les
châtiments corporels ne sont pas explicitement
interdits dans les institutions.
- Selon des rapports d’ONG
sur la situation des droits de l’enfant,
80 % des enfants placés en internat sont
traités « avec cruauté »
au Kazakhstan, alors qu’en Albanie les
orphelins seraient « souvent victimes
d’abus physiques ».
- Les institutions sont souvent inadaptées,
avec des conditions d’hygiène déplorables,
un chauffage insuffisant et une alimentation
inadéquate. Une grande part des violences
subies par les enfants est due aux autres enfants.
Une étude réalisée au Royaume-Uni
sur la violence chez les enfants placés
en institution montre que la moitié des
cas déclarés de violences entre
enfants impliquait une grande violence physique
comme l’usage de couteaux, ou des coups
de pied ou des coups de poing, et la moitié
concernait des violences non physiques, comme
le vandalisme et les menaces.
- Les mineurs sont souvent détenus avec
des adultes : selon la Coalition nationale allemande
pour la mise en œuvre de la Convention
relative aux droits de l’enfant, ils sont
victimes de menaces, de chantage et mêmes
de viols. Le Comité du Conseil de l'Europe
pour la prévention de la torture a noté
qu’en Croatie des gardiens ont été
vus en train de frapper des mineurs à
coups de poing, coups de pied ou avec des matraques.
- Il est établi qu’en Albanie,
en France, en Géorgie, en Ouzbékistan,
en Roumanie, en Suisse et en Ukraine, des policiers
ont maltraité des enfants et des adolescents
placés en garde à vue.
- Les enfants appartenant à des minorités
ethniques sont surreprésentés
dans les institutions de soins et de détention.
Selon la Banque mondiale, pas moins de 40 %
des enfants vivant en institution en Roumanie
sont d’origine rom, alors que les Roms
ne représentent que 10 % de la population
du pays.
Que fait-on actuellement ?
La Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant rend les
gouvernements responsables de la protection
des enfants placés en institution et
interdit la détention arbitraire d’enfants.
Elle stipule également que les enfants
privés de liberté doivent être
traités avec humanité et séparés
des adultes.
Le Comité des Ministres
du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation
établissant les droits des enfants vivant
en institution, y compris le droit d’être
élevé dans un milieu sans violence.
L’Union européenne
a adopté une directive selon laquelle
les enfants demandeurs d’asile doivent
être placés avec des membres adultes
de leur famille, dans une famille d’accueil
ou dans des centres spécialement conçus
afin d’assurer leur protection.
Le Comité pour la prévention
de la torture du Conseil de l'Europe est chargé
d’inspecter les lieux où sont détenus
les mineurs.
De plus en plus d’Etats
ont conscience de ces problèmes et entreprennent
ou autorisent des enquêtes sur les conditions
et les risques liés à la violence
dans les institutions de toutes sortes.
Comment améliorer la situation
?
- Interdire les châtiments
corporels et les traitements humiliants dans
les institutions du monde entier ;
- Fixer des règles précisant quelles
sont les formes de sanctions disciplinaires
admises et quelles sont les formes interdites
;
- Etablir des directives de base sur la prise
en charge des enfants ;
- Elaborer des stratégies de prévention
des brimades ou brutalités dans toutes
les institutions ;
- Sélectionner attentivement les personnes
travaillant avec des enfants, mais aussi leur
dispenser une formation adéquate et leur
garantir des conditions de travail appropriées
;
- Faire en sorte que les enfants bénéficient
d’une éducation appropriée,
de loisirs, d’une alimentation saine,
de soins de santé et de contacts avec
le monde extérieur, en vue de limiter
les frustrations ;
- Veiller à ce que les enfants puissent
exprimer leurs inquiétudes ou leurs plaintes
concernant la manière dont ils sont traités
sans crainte de représailles ;
- Trouver des solutions de remplacement (hors
institutions) pour les placements de protection
et correctionnels.
Références
Rapport alternatif sur la situation
des droits des enfants et la mise en œuvre
de la Convention relative aux droits de l’enfant
en Albanie, CRCA, ACRN, Tirana, août 2004.
Rapport alternatif des organisations
non gouvernementales du Kazakhstan, Almaty,
2002.
Comité du Conseil de
l'Europe pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants/Inf
(2001) 4.
Observations en guise de conclusions
du Comité sur les droits de l’enfant
concernant les trente pays de la région
examinés depuis 2002.
Rapport complémentaire
de la coalition nationale, Coalition nationale
pour la mise en œuvre en Allemagne de la
Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant.
Cawson, P., Berridge, D., Barter,
C., et Renold, E., Physical and Sexual Violence
amongst Children in Residential Settings: Exploring
Experiences and Perspectives, Université
de Luton et NSPCC, Janvier 2001.
Tobis, D., Moving from Residential
Institutions to Community-Based Social Services
in Central and Eastern Europe and the Former
Soviet Union, La Banque mondiale, 2000.
HCR, juillet 2003.
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